Impact de la pandémie sur le travail en MDJ
Hommage de Judith Lussier
Plus de 450 travailleur·euses en MDJ étaient réunis virtuellement vendredi 14 mai 2021 pour célébrer le 40e anniversaire du RMJQ et le travail en maison des jeunes. A cette occasion, la journaliste Judith Lussier, animatrice de l’événement, leur a rendu un hommage pour le rôle qu’ils et elles ont joué pendant la pandémie, dont voici un extrait :
» J’aimerais souligner le caractère exceptionnel de votre travail cette année. La pandémie a touché tout le monde d’une manière ou d’une autre. Y a des gens qui ont perdu leur emploi, y a des gens qui étaient surmenés dans certains secteurs comme la santé, et y a beaucoup trop de gens qui ont découvert les joies du télétravail. Mais vous, c’est capoté, parce que vous, les maisons des jeunes, votre job, c’est précisément d’être un LIEU DE RASSEMBLEMENT. Comment être une présence quand on peut pas être en présentielle? Tu le sais qu’une chose devient rare quand on invente un nouveau mot pour la décrire.
C’est rendu cliché de dire que les gens ont dû se réinventer durant la pandémie, mais vous, vous avez vraiment su vous réinventer cette année. Vous vous êtes transformés en animateurs, en DJ, en livreurs à domicile, en podcasters, en designers de masques, en influenceurs sur les réseaux sociaux. Vous avez fait des vidéos de cuisine comme Ricardo pis des vidéos d’entraînement comme Josée Lavigueur. Vous avez dû apprendre toutes sortes de nouvelles technologies sur le tas, comme Zoom, Facebook Live, mais pire que tout ça : TIK TOK!
Pour de vrai, si c’était juste de vous être adaptés à Tik Tok, cette année, vous auriez déjà toute mon admiration.
Mais vous avez fait ben plus que ça.
Alors que tout le monde était sur pause, vous, vous avez jamais chômé. Parce que vous les connaissez, les jeunes. Vous saviez qu’ils avaient besoin de vous plus que jamais. Vous saviez qu’ils étaient anxieux, qu’ils avaient besoin de parler, qu’ils avaient besoin de se changer les idées, d’avoir un minimum de structures dans leurs vies. Vous le saviez aussi que leurs parents étaient débordés, désespérés, dépassés, et d’autres mots en dé. Vous vous êtes donnés à fond. Vous avez rivalisé de créativité et vous avez pas compté vos heures.
Vous essayez de vous mettre dans la peau des jeunes, de les écouter, pis d’avoir du vrai fun avec eux. Vous travaillez avec les plus beaux êtres humains! Les ados, c’est un champ des possibles, où vous essayez de semer quelques graines de confiance, de bienveillance, de persévérance et d’ouverture ici et là.
Pis vous, contrairement à ceux qu’on a appelé les anges gardiens, vous avez presque pas eu de reconnaissance! C’est comme si on avait oublié qu’avant la pandémie, y a des gens comme vous qui s’occupaient des ados pis que c’était important. On a salué le travail des infirmières, on a reconnu le courage des policiers, on a même applaudi les emballeurs à l’épicerie. Mais vous, on a jamais dit que vous aviez fait la différence. Je me souviens pas d’un point de presse du Premier Ministre où on aurait dit : Aujourd’hui, j’aimerais féliciter les intervenants de Maisons des jeunes qui organisent des concours de dessin à distance pour prendre soin de la santé mentale de nos ados. C’tu juste moi qui a manqué ça?
Vous le faites parce que vous savez que les jeunes ont besoin d’une présence, ce qui rend l’exploit encore plus impressionnant cette année. «
Cette année de pandémie vous a-t-elle amené·e à poser un regard différent sur votre profession?
Nous avons demandé aux travailleur·euses en MDJ, en mars 2021, si l’expérience de l’année de pandémie de COVID-19 que nous venons de vivre collectivement les avait amenés à poser un regard différent sur leur profession.
Avant tout, cela les a amenés à prendre conscience de ce qui fait l’essence de leur travail :
1. La prise de conscience du rôle essentiel que jouent les maisons des jeunes, pour les ados mais aussi pour la société en général : fournir un filet social de sécurité aux ados, les accompagner, veiller à leur santé mentale, leur permettre de socialiser avec des personnes significatives et avec leurs pairs, leur fournir un lieu sécuritaire et encadré, développer chez eux le sentiment d’appartenance à un groupe, leur permettre de s’impliquer…
2. L’importance du contact humain et de la présence d’un lieu de rencontre physique dans le travail en maison des jeunes : le fait de limiter au maximum les activités en présentiel et de devoir proposer un maximum de services en ligne a particulièrement mis cela en évidence. Ce qui a été rogné en première ligne, ce sont en effet les activités de groupe, les activités spontanées, toutes ce qui pouvait sembler “non essentiel” mais qui constitue pourtant le fondement du projet maison des jeunes : le fait d’être un milieu de vie ; de pouvoir avec des discussions spontanées avec les jeunes pour savoir comment ils vont, de découvrir au passage ce qui les tracassent et d’aborder avec eux des sujets importants, sans même que cela ne paraisse être une relation d’aide. Le fait de permettre aux jeunes de socialiser avec d’autres jeunes, de s’impliquer, de monter ensemble des projets…
3. L’incroyable capacité d’adaptation des maisons des jeunes : “La situation m’a démontré à quel point nous sommes en mesure de nous adapter à toutes les situations.”, “on est capables de s’adapter à n’importe quel défi!”
Les équipes de travail ont également souligné la perte de motivation lorsque les activités devaient être proposées en ligne et la fragilité de la santé mentale des jeunes pendant la pandémie.
Témoignages
“Derrière un écran ce n’est pas du tout la même relation, beaucoup de nos interventions sont déclenchées par des non dits, un ambiance, un regard. Lorsque les jeunes se décident à s’ouvrir à un intervenant en ligne, il y a déjà bien longtemps qu’ils souffrent. Parfois ce n’est pas tant la qualité de l’intervention qui compte mais qu’il la simple présence d’un adulte significatif au bon moment. Les fermetures de local ont beaucoup nuit aux petites interventions de première ligne (tsé, la journée avant la fugue ou le suicide: l’écoute, le regard, le petit vidage de sac à l’animateur, qui fait que finalement tu n’as pas fugué, tu es toujours en vie et tu penses même à des projets de vie). Ce sont ces interventions qu’il a fallu réinventer, pour s’assurer de ne pas échapper certains jeunes.”
“Cela m’a fait réaliser l’importance du dynamisme dans une maison des jeunes et les limites de l’animation sociale lorsque celle-ci est limitée dans son cadre physique. Une MDJ c’est la somme de toutes celles et ceux qui la composent : les jeunes, l’équipe de travail, les membres de son CA, mais aussi la communauté dans laquelle elle gravite! Je crois que nos organismes sont à leur meilleur quand ils peuvent laisser les jeunes donner un sens à cette belle mission en l’habitant sans contrainte. En tant qu’animateur, même après 9 ans, on peut encore être décontenancé dans ses capacités d’animation lorsqu’une pandémie vient limiter les interactions et les activités d’une MDJ.”